La Garden Party des Rouillac revient mais Monet cale
Lundi 07 juin 2021
Le Quotidien de l'Art, Rafael Pic
Sur les 480 dernières œuvres de Monet, seules 14 ont été adjugées en France. Occasion manquée de redresser le compteur hier, au château d’Artigny, où la traditionnelle Garden Party de la maison Rouillac, lancée en 1989, reprenait son créneau habituel de printemps : un Monet de 1882 restait sur le carreau, Subleyras et Boucher apportant en revanche de belles surprises.
« C’est avec une émotion teintée de ierté que nous présentons cette 33e Garden Party », démarre Philippe Rouillac à 14 h 05. Depuis 1989, même le Coronavirus n’a pas eu raison de ce rendez-vous traditionnel dans un beau château de la Loire – Cheverny pendant vingt ans, Artigny depuis une décennie –, puisque l’édition 2020 n’a pas été annulée, mais décalée de l’été à octobre. Alors que l’on voit maintenant la province se rebifer et aligner des records (récemment l’emblématique Cimabue à Senlis par Actéon, voir QDA du 28 octobre 2019, mais aussi le maître de Vyssi Brod à Dijon chez Cortot ou, quelques années en arrière, le rouleau impérial chinois ou le Judith et Holopherne attribué au Caravage, chez Labarbe à Toulouse), ce mouvement avait été bien initié par la maison Rouillac.L’idée de cet événement avait été soulée à Philippe Rouillac, alors jeune commissaire-priseur, passé par un consulat en Chine et une collaboration avec André Malraux sur son Musée imaginaire, lors d’une vente de bienfaisance en 1988 à Chambord au proit de la statue de la Liberté. « Qu’il serait beau de se retrouver ainsi chaque année pour une vente garden party », suggéra la marquise de Brantes. Chose faite dès 1989. Au cours des années, on y a vu quelques beaux prix : un portrait de Washington par Charles Willson Peale (4,4 millions en 2002), le cofre du cardinal Mazarin en cèdre du Japon (5,9 millions en 2013, acquis par le Rijksmuseum) et, en 2018, un joli coup double avec une gourde impériale d’époque Qianlong (à 4,1 millions) et un Le Nain déclaré trésor national, le Christ enfant (à 2,9 millions).
L’affaire Jean Mosnier
« Notre credo était “small is beautiful” », explique Rouillac Jr, Aymeric, qui a rejoint son père il y a 10 ans après une première carrière dans la presse, et qui a tenu le marteau hier. Avec un produit vendu de plus de 7 millions d’euros en 2020 pour 7 employés, la maison tourangelle est l’une des plus rentables de France. « Maintenant, c’est plutôt “less is more”. Nous avons diminué le nombre de lots vendus par an d’environ 4000 /... à 2000. » Près de 15 % (quelque 280 lots) ont donc été proposés sur ce seul week-end printanier (dimanche et ce lundi).L’un des moments émouvants était la mise en vente, à 14 h 36, d’un tableau aux tribulations étonnantes. « Vous pourrez dire : il y a deux tableaux comme celui-ci, chez moi et la reine d’Angleterre », tonnait Aymeric Rouillac. Spolié par les nazis en mai 1944, à deux doigts d’être victime d’un incendie lorsque l’Armée rouge reprit le château de Nikolsburg où il était entreposé, volé une nouvelle fois en 1967, cette Allégorie avec saint Georges et le dragon dans un paysage, de l’atelier de Rubens (mais Le Figaro émit autrefois l’hypothèse qu’il s’agissait de l’original et que celui de la cour d’Angleterre était la copie), était mis à prix à 50 000 euros. Peut-être un départ trop élevé, puisqu'il était recalé à ce seuil.
Chaque vente devant avoir son coup de théâtre, celui d’hier portait sur trois toiles de Jean Mosnier (1600-1656), retrouvées dans le grenier du château de Cheverny. Un partenariat entre Rouillac et l’Université d’histoire de l’art de Tours a permis à deux étudiants, Émeline Chassine et Jürgen Poirier, de faire un travail de fond sur ce peintre blésois. Formé en Italie, collègue de Rubens et de Vouet sur le chantier du palais du Luxembourg, il fera toute la suite de sa carrière au bercail où, père de famille chargé de dix enfants, il deviendra l’un des principaux exposants du classicisme en Val de Loire. Un courrier de la DRAC, parvenu en dernière minute, demandait le retrait de ces trois œuvres en raison de leur appartenance supposée au décor d’un monument historique.